Dessine-moi une marque
Une étonnante naïveté enfantine
Ainsi, pour tester l’impact d’une marque, il suffirait de « demander à un enfant de (la) dessiner de mémoire ».
Pourquoi à un enfant ? Parce que « loin des calculs et stratégies qui compliquent tout, le regard vierge de l’enfant dégage l’essentiel » ; « le regard de l’enfant est innocent…Sa créativité n’est pas entravée par les influences extérieures (calculs, vanité) …Il est donc spontané, émerveillé…Ce regard authentique livre des formes directes et brutes…Il permet aux marques engluées dans des stratégies multiples de revenir à leurs formes fondamentales. »
1) Le regard de l’enfant est vierge
2) Cette virginité du regard restitue les formes fondamentales
3) Cette virginité « doit être source d’inspiration pour la création »
1) Le regard des enfants n’est vierge qu’aux yeux de ceux qui veulent le croire tel. Si je veux croire Jacques Lacan, le nouveau-né arrive dans un bain de signifiants…Et si l’on veut à toute force imaginer un âge infantile où l’enfant vivrait indépendamment du social –source « des stratégies qui compliquent tout » et « des influences extérieures »-, entre 8 et 12 ans les enfants partagent déjà avec l’adulte perverti calculs, vanité et autres passions humaines, qu’ils gèrent à leur manière (et bien avant selon de nombreux pédo-psychiâtres).
2) Ce qui restitue « les formes fondamentales » ce n’est pas la virginité du regard enfantin, mais bien les mécanismes à l’œuvre dans la perception, tels que W. Kölher et Gustave Guillaume les ont explicités dans la Psychologie de la forme. Pour faire court : la perception humaine a tendance à réduire la complexité des formes perçues pour en dégager les traits fondamentaux. Ce que fait aussi la sémiologie, art exact des « grandes personnes », quand elle s’attache à dégager la consistance d’un signe.
Et il y a fort à parier que demander à des « grandes personnes » de dessiner de mémoire aboutirait sensiblement aux mêmes résultats en vertu du principe ci-dessus.
3) La création devrait revenir à la source d’inspiration, à « la fraîcheur des enfants ». Et le billet de dénoncer pêle-mêle l’utilitarisme et tout ce qui ressemble à une réflexion en se demandant si nous sommes « capables de nous affranchir des raisonnements pour être plus spontanés ». Et voici resservie un fois de plus la bonne vieille opposition rassurante entre pensée-logique-raisonnement et création-spontanéité-fraîcheur, grâce au paravent du « regard vierge de l’enfant »…
Cette opposition est juste stérile, parce qu’elle est pensée stérilement. Si l’on admet au départ qu’il y a solution de continuité entre les mots (la stratégie) et les signes (la création), qu’il y a différence, il devient alors possible de les penser complémentaires et concomittantes. C’est alors précisément qu’elles trouvent leur résolution dialectique dans des marques consistantes, que les enfants et leurs parents mémorisent. C’est du moins ce que nous essayons pratiquer, chaque jour, chez W