Ça balance pas mal à Paris !
Les observateurs professionnels du design ont trouvé un nouvel objet de courroux.
Après les coûts- pharamineux-de-création-de-logotypes-réalisés-par-des-stagiaires-dans-des-agences-cyniques, il s’agit aujourd’hui de s’attaquer avec beaucoup de certitudes et autant d’approximations sémiologiques aux signes qui voient le jour en France.
Dernière cible de ces attaques, le logotype de la Présidence Française de l’Union Européenne.
Partie prenante de la réflexion qui lui a donné le jour, je lis sur les blogs de graphistes sachant grapher, chez les ayatollahs du bon goût qu’ils prétendent imposer à tous, ou dans les lettres spécialisées des points de vue souvent peu flatteurs. Le sens critique est une vertu à condition que les arguments portent sur le fond. Sinon, le risque, en ces jours de baccalauréat, est de se retrouver hors sujet.
De quoi s’agit-il ?
Le logotype choisi pour signer la Présidence de la France fait l’objet de critiques. La plupart des remarques portent sur la résolution symbolique et formelle du signe.
On lui reproche son statisme, son manque d’originalité et d’audace, la tristesse de drapeaux en berne. Tout y passe, y compris la typographie, condamnée de vouloir faire moderne sans y parvenir, passée à la moulinette critique. D’autres lui reprochent son simplisme où se lâchent sans vergogne.
Soit, sans doute y- avait-il d’autres solutions…
Mais à lire ces propos, on se prend à rêver que tous ceux qui s’expriment sont, soit des Paul Rand méconnus, soit des européens enthousiastes, qu’ils attendent de ce signe qu’il affiche leur amour plein et entier pour le projet, qu’il en sont des acteurs engagés et convaincus et exigent que la France entière les suive dans leur ferveur. En pompiers incendiaires qui s’ignorent, ils appellent de leurs vœux le grand soir allégorique des lendemains qui chantent, à peine 2 ans après le “non” à la constitution !!!
Les “nonistes” français reprochent à l’Europe sa complexité, ses arguties, ses réglements souvent complexes, sa distance et la perte de contrôle des états au profit d’une administration abstraite et technocratique. Ils s’inquiètent simultanément des conséquences sociales d’une Europe perçue comme trop libérale.
Le résultat du référendum irlandais doit, encore hélas, ramener les critiques graphiques à plus de clairvoyance.
Une lecture avisée et responsable du logotype devrait intégrer ces éléments de contexte :
Le symbole de la Présidence Française n’est pas statique, il est serein.
En effet, à l’image des 2 drapeaux qui figurent derrière le Président de la République, dans sa photo officielle, et dont jamais personne n’a prétendu qu’ils étaient ni en berne, ni accrochés à un portemanteau, le signe affirme une volonté institutionnelle forte. Celle de soutenir un projet équilibré où la France joue son rôle, sans arrogance, sans fanfaronnade, mais avec sérénité.
Le signe de la rencontre apaisée des drapeaux européens et français n’est pas simpliste, il a la force de l’évidence. Dans ce dialogue visuel, chacun trouve sa place. Cette évidence là, s’adresse tant à ceux qui soutiennent le projet qu’à ceux qui y résistent.
Là ou certains regrettent le manque d’ambition, je préfère lire la confiance patiente d’une réalité qui tôt ou tard prendra corps.
Ce symbole est un dénominateur commun et non une provocation à destination de ceux qui doutent du traité et redoutent ses effets. L’Europe traverse une période suffisamment complexe pour comprendre que la ligne est étroite et l’enjeu d’importance.
En réalité, ce signe ne mérite ni excès de louanges, ni assauts d’indignité. Il est à sa juste place, au milieu, près de tous.
C’est de cela dont il est question quand il s’agit de choisir un tel symbole. L’exercice qui consiste à s’adresser à 60 millions de français et à 500 millions d’européens suppose un minimum de discernement.
Ceux qui imaginent que l’expérimentation graphique l’emporte en tout lieu et en toute occasion sur la responsabilité politique se trompent de métier. Au mieux, c’est une illusion naïve, au pire c’est une prétention coupable.
Ceux-là mêmes qui prétendent savoir ce qu’il aurait fallu faire n’oublient qu’un détail, on ne leur a pas demandé…
Quant à ceux qui pensent que tout est bon pour critiquer une politique, ils confondent l’esprit critique avec le militantisme. Et là, c’est une autre histoire.
Gilles Deleris