La marque face à ses quatre nouveaux défis – 3/4 – le défi de l’intérêt général – par Denis Gancel

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La marque recouvre aujourd’hui une réalité nouvelle. On devrait dire une réalité augmentée nouvelle, tant le rôle que nous lui reconnaissons de plus en plus est celui d’augmenter la réalité, en apportant plus de valeur à l’entreprise, au produit ou au service qu’elle identifie.
La marque est confrontée aujourd’hui à quatre défis majeurs :

1/4 – le défi de la deuxième mondialisation – à lire ici
2/4 – Le défi du management –
à lire ici

Aujourd’hui : le défi de l’intérêt général

Pour un G20 des marques : relever  le défi de l’intérêt général

Le sommet de Copenhague a bien montré, à travers les problématiques de réchauffement climatique, que la solution aux problèmes du monde dépasse les frontières. G7, G14, G20, G70… Les nations courent après une gouvernance mondiale efficace. Les sommets de chefs d’État se suivent et répètent inlassablement les mêmes constats, sans parvenir à se mettre d’accord sur des pistes d’action concrètes.

La question du « comment » est posée à tous les citoyens du monde, de bonne volonté, sur des sujets aussi vitaux que : la faim, le réchauffement climatique ou la pénurie de l’eau.

Quelle doit être l’attitude des marques à l’égard de ce type de sujets ? Doivent-elles s’en détourner en considérant que ce n’est pas leur affaire ou bien au contraire doivent-elles se sentir concernées en cherchant à apporter leur pierre à l’édifice ?

Faisons un constat simple : les entreprises mondiales et leurs marques demeurent les seuls réseaux efficacement organisés à l’échelle de la planète. Par leurs présences mondiales, leurs ressources, leur culture du résultat et leur système de reporting, elles relèvent tous les jours le défi de l’efficacité, et donc le défi du « comment ».

Les guerres mondiales du XXe siècle ont imposé la transformation pour un temps, des industries civiles en industrie de guerre. Les menaces sur l’avenir du monde étaient alors tangibles et palpables.

Les constats alarmants faits à Copenhague ou à Rome lors du sommet de la FAO ne sont-ils pas assez tangibles, pas assez palpables, pour susciter le passage à l’acte ?

Il faut s’affranchir de l’idée traditionnelle que seules les nations seraient tenantes de l’intérêt général du monde. Les mésaventures récentes de l’insolvabilité relative de l’Islande, de la Grèce ou du Portugal montrent des pays qui deviennent les uns après les autres des acteurs géographiquement limités, économiquement exsangues, et potentiellement faillibles.

La question du « comment » reste donc entière…

Il ne peut être question de remplacer la souveraineté des pays par un grand soir des « marchands ». Mais force est de constater que les Etats, sous la pression de la mondialisation, sont confrontés à des enjeux de plus en plus nombreux, et de plus en plus globaux, qu’ils ne peuvent pas résoudre à eux seuls. Dans ce contexte, on perçoit bien le risque de voir caricaturer deux mondes distincts avec, d’un côté, des nations souveraines, de plus en plus impuissantes et inefficaces, et, de l’autre, des réseaux de marques mondiales, puissantes et efficaces, dont la raison d’être serait l’hyperconsommation et le profit. La solution n’est pas dans l’opposition des deux acteurs, mais dans leur complémentarité, au service de l’intérêt général.

Le fait que certains des intérêts vitaux du monde soient véritablement en jeu (réchauffement climatique, pénurie d’eau, gouvernance Nord Sud…), constitue en effet une réelle opportunité pour les marques mondiales à repenser leur raison d’être.

Ainsi, on pourrait imaginer qu’elles mettent leur efficacité au service de programmes à moyen et à long terme de solidarité, d’actions citoyennes, tout en demeurant dans une économie de marché bien comprise. Elles développeraient alors, en lien avec les Etats, des produits et services en phase avec leur vision, répondant aux urgences des pays comme des citoyens.

Certains groupes se positionnent déjà sur ces sujets d’interêt général, estimant que cela relève de leur « responsabilité de marque ». C’est le cas d’Essilor qui développe des lunettes à 5 dollars pour des millions d’Indiens, ou de Sodexo qui dispense, partout dans le monde, des services de qualité de vie au quotidien.

C’est aussi le cas de Danone avec son programme « Grameen Danone Foods », lancé en 2006 : ce programme consiste à mettre au point un yaourt enrichi en micro nutriments le « Shokti Doi » afin de pallier certaines carences alimentaires importantes au Bagladesh. La première micro usine du Grameen Danone Foods produit déjà 3000 tonnes de yaourts.

Des entrepreneurs comme Bill Gates ont compris l’urgence des besoins et de la redistribution de richesses sous peine de rejet. Avec sa fondation Bill and Melinda Gates, qui cumule déjà une force financière de 60 milliards de dollars ( soit deux fois plus en montant que les prêts du FMI), il a déjà financé plus de 12 milliards de dollars de projets, autant en valeur que l’OMS, et 12 fois plus que le budget de l’Unesco.

En agissant ainsi, en investissant sur les sujets d’intérêt général, les marques ne s’engouffrent pas seulement dans un nouveau créneau de communication, mais répondent stratégiquement aux nouvelles attentes des consommateurs. Les récentes études sur le sujet le prouvent : 81% des consommateurs interrogés disent qu’il est important que les marques qu’ils achètent soient socialement responsables. L’engagement social ou le « marketing du bénéfice mutuel » sont sans doute des pistes d’amélioration de la brand equity.

Moins de confiance dans les Etats, beaucoup d’attentes en matière d’engagement des marques : le partenariat public-privé doit pouvoir trouver sa place pour répondre à ce nouveau paradigme. Les présidents de la république doivent pouvoir recevoir demain les patrons de marques mondiales comme des partenaires efficaces et responsables d’actions à forte valeur ajoutée sociétale,  et non comme les suppôts d’un capitalisme dépassé se sucrant sur un consommateur infantilisé, et profitant tant qu’il est encore temps de bonus iniques.  Pourquoi ne pas imaginer un G20 des marques, où comme les gouvernements au G20, les grandes marques mondiales se positionneraient ensemble sur des sujets d’intérêt général ?

C’est en effet un défi d’intérêt général qui se dessine pour les marques. Défi qui consiste à prendre concrètement leur part de responsabilité dans les sujets d’interêt général, compte tenu de leur puissance et de leur présence dans un monde globalisé, afin notamment de répondre aux nouvelles exigences des consommateurs.

Denis Gancel

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