(Back) Stage chez Mouillard&Mouillard

LES POSTS DES BOSS
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Chronique parue dans le N°222 d’Etapes

 

On est mal ! La nouvelle loi qui encadre le statut des stagiaires en entreprise concerne très directement les industries créatives. Les studios, les agences ont intériorisé un mode de fonctionnement dans lequel les quatrième années ou les jeunes diplômés tiennent une place significative.
Une disposition vise à limiter à 10% de l’effectif le nombre de stagiaires autorisés (3 au maximum jusqu’à 30 personnes, 10% au-delà) sans tenir compte des périodes estivales !!!
Il ne fait aucun doute que le stagiaire est une personne qui mérite considération et respect. La revalorisation de l’indemnité et de très nombreuses évolutions notifiées par la loi vont dans ce sens. Il faut s’en féliciter.
Il est tout aussi certain que certains gougnafiers abusent d’une main d’œuvre bon marché. Ils exploitent sans vergogne des jeunes en situation de fragilité économique et existentielle.
Mais la réponse coercitive qui limite à ce point le nombre de stages autorisé est contre productive. Elle pénalise les deux partis en présence.

Les jeunes d’abord : La course aux stages suppose une endurance hors norme. En réduisant drastiquement les opportunités, les candidats s’épuiseront à trouver une première expérience. C’est mathématique : ils atterriront d’urgence là où il restera de la place plutôt qu’à la place dont ils rêvent. Découragés, victimes collatérales d’un quotat de principe, combien en viendront à accepter n’importe quoi pour valider leurs diplômes ? Ah, les beaux mois d’été chez Mouillard&Mouillard…

Les agences ensuite : Au motif de limiter les abus, elles seront ainsi collectivement pénalisées. Celles qui croient aux vertus du croisement générationnel. Celles qui ouvrent les chakras et révèlent les jeunes talents. Celles qui leur offrent des perspectives et en embauchent un pourcentage significatif à l’issue de leur formation. Celles qui les respectent, les gratifient et leur permettent de prendre la mesure entre la théorie et la pratique parce que les bonnes réponses se nourrissent de l’expérience acquise plus que des cours magistraux reçus jusqu’alors.
À ce jeu-là, seuls progresseront les chiffres de Pôle Emploi.

Une alternative vertueuse consisterait à revoir les conditions de l’excellente formule de l’alternance en en limitant un coût aujourd’hui trop élevé.
Mais avant tout, le législateur et l’état seraient mieux inspirés en imposant la rémunération du travail effectué lors des consultations publiques. Ils condamneraient du même coup le concept hors-la-loi de travail gratuit qu’encouragent pourtant les appels d’offre publics et privés. Pratiqués systématiquement et sans vergogne, ils altèrent la valeur de nos réponses. Pire, ils détruisent le modèle économique si fragile de nos activités et expliquent pour une part le recours aux stagiaires…
Il nous reste à compter sur la jeune élite du Conseil d’État pour en décider autrement. C’est à elle et à leurs ainés dont l’emploi est garanti à vie qu’il reviendra de voter les décrets d’application. On peut leur faire confiance. Ils ont appris l’entreprise dans les livres.

Gilles Deléris

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