Et si le prochain président de la République était un chef d’entreprise?

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Paru dans Huffington Post le 27/11/2014
Par Denis Gancel

Michel Boujenah, humoriste au spectre large, reçu récemment sur France Inter pour une « carte blanche », fit référence à la démocratie athénienne, expliquant que les élus n’y avaient pas le droit d’exercer plus de deux mandats, et qu’une fois le dernier achevé ils revenaient à leur travail.

S’il y a une chose dont on peut être certain compte tenu des chiffres explosifs du chômage, c’est que la notion de travail sera le juge de paix… ou de guerre de la prochaine élection présidentielle.

Concept travail qui, en France, est en pleine mutation

– Parce qu’il manque, beaucoup créent leur propre travail en devenant auto-entrepreneurs (le cap d’un million vient d’être passé)
– Parce qu’il coûte, nombre de salariés sont multiemployeurs et les rentes de situation deviennent intenables
– Parce qu’il se numérise, chacun vit une profonde remise en cause de ses savoir-faire et de ses habitudes
– Parce qu’il déplace, les actifs cherchent à investir de nouveaux secteurs, de nouveaux bassins d’emploi pour vivre ou survivre

Mais quelle idée se font nos élus du travail? Ont-ils seulement déjà travaillé?

Je veux dire vraiment travailler, avec le long apprentissage d’un métier, la quête d’excellence, le souci de servir un client, la capacité à obéir à un responsable hiérarchique, qu’il plaise ou non, l’aptitude à gérer un budget, à générer une performance, à remettre en cause un acquis et à innover, la faculté à participer à une équipe projet, la joie de conduire un « chef-d’œuvre » pour emprunter les mots des Compagnons du Tour de France.

On sait bien que la représentation nationale n’est pas aujourd’hui composée de ces profils. Un seul artisan (pourtant « première entreprise de France ») à l’Assemblée nationale, 18 chefs d’entreprise sur 577 députés, et une physionomie d’élus qui n’a pratiquement pas changé depuis cinquante ans: une majorité de fonctionnaires, d’enseignants et de professions libérales.

On y trouve, revanche, beaucoup de militants de partis qui, de bonne foi, croient avoir travaillé. Ils ont effectivement eu, pour la plupart, la vie dure dans des structures désorganisées et sans moyens, dans lesquelles ils ont souvent été exploités. Que ce soit dans les partis politiques ou dans les cabinets ministériels, sas de la carrière politique où le salaire de la peine est toujours le même: une place sur une liste et espoir d’élection!

Cela donne des élus qui ont travaillé certes, mais qui n’ont pas la moindre idée de ce qu’est le travail tel qu’il est vécu par la plupart des Français. D’où ce sentiment que nos élus sont hors sol. Ils parlent (beaucoup) du travail ou de l’absence de travail des autres, sans savoir de quoi ils parlent parce qu’ils ne l’ont jamais vécu. Ce n’est pas de leur faute. Le système porte au pouvoir des gens qui n’ont pas de travail!

Ce n’est pas leur faire injure de dire que des personnalités de notre République telles que François Hollande, Manuel Valls ou François Fillon n’ont jamais eu de vrai travail

Pas étonnant qu’à la question « Qui est le plus à même d’apporter des solutions à la situation actuelle »*, les Français répondent « nous-mêmes » en premier et « les chefs d’entreprise » en second! L’État et les politiques venant loin derrière.

Plutôt que d’anciens ministres fassent des stages de quinze jours pour devenir des capitaines d’industrie, il vaudrait mieux que le prochain chef d’État soit un chef d’entreprise avec trente d’expériences! Il saurait au moins ce que le travail veut dire, il aurait affronté la concurrence mondiale, il saurait manager et conduire une équipe au succès. Cela ferait du bien à un appareil d’État qui n’aurait d’autres choix que de s’adapter, enfin!

Imaginons, par exemple, Xavier Niel, fondateur de Free, Xavier Fontanet, ex-président d’Essilor, Bernard Charlès, président de Dassault Systèmes, ou Henri de Castries, président d’AXA, candidats à la présidence de la République! Tous légitimes au titre de leurs succès et de leur investissement au service de l’intérêt général.

On a tout essayé. Et quasiment tout a échoué. Il y a donc urgence à changer le système. Elire un président de la République chef d’entreprise briserait la fausse alternance des semblables et permettrait aux meilleurs « professionnels » de notre pays de prendre la plus haute des responsabilités: celle d’orchestrer la mutation dont la société française a le plus grand besoin.
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* Observatoire W-Viavoice de la psychologie collective des Français.

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