Changer le nom d’un parti n’est pas une partie de plaisir

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Paru sur LesEchos.fr

La croyance dans les vertus du changement de nom de parti est spécifiquement française. En Allemagne, CDU et SPD dominent les débats depuis respectivement 1945 et 1875 !

Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, Marine Le Pen ont au moins quelque chose en commun : ils veulent tous les trois changer le nom de leur parti. Marine troquerait bien le Front national de papa contre son rassemblement tout bleu. Manuel tordrait volontiers le cou d’un Parti socialiste qu’il juge démodé pour lancer sa propre maison, taille grand patron, modèle 2017 ! Et Nicolas veut être président d’autre chose que d’une Union pour un mouvement populaire, véritable ménagère de casseroles en tout genre.
Mais pourquoi croient-ils tous trois aujourd’hui que le changement de nom est la solution ? Sans doute parce que l’un cherche à effacer d’un coup d’ardoise magique les turpitudes du passé, l’autre à créer la nouveauté dans un contexte médiatique qui use tout ce qu’il retransmet et le troisième à marquer son leadership sans ne rien devoir au passé.
Cette croyance dans les vertus du changement de nom de parti est spécifiquement française. Hormis le Parti radical (créé depuis 1901) et le Parti communiste (depuis 1920), les partis français subissent régulièrement des toilettages sémantiques aussi spectaculaires qu’inefficaces qui contrastent avec le conservatisme de nos voisins qui, toutes tendances confondues, s’attachent plus à changer le contenu que le contenant.
En Allemagne, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et le Parti social-démocrate (SPD) dominent les débats depuis respectivement 1945 et 1875 !
En Grande-Bretagne, les torys, le Parti conservateur fondé en 1834, et le Labour, le Parti travailliste, en 1906, ont accueilli récemment en… 1988 le petit dernier, le Lib Dems (libéraux-démocrates), qui tente de jouer des coudes au sein du bipartisme.
Aux Etats-Unis, pays du « out of the box », le Parti républicain, créé en 1856, qui vient de remporter des élections, apparaît comme un petit jeune face au Parti démocrate, créé par Thomas Jefferson et les siens en 1793 !
La jurisprudence française et internationale invite donc plutôt à la prudence et à la réflexion. Celle-ci pourrait se nourrir utilement des enseignements issus de la pratique des changements de nom d’entreprise.
On y apprend notamment :
– que toutes les grandes marques qui durent comme Perrier, Danone, Michelin, Total, BP, Toyota… ont su traverser les pires crises sans changer de nom dans l’adversité,
– qu’il ne faut pas accorder plus d’importance au nom qu’il n’en a. L’histoire des marques montre que les noms se désémantisent avec un usage qui leur fait perdre leur signification. Boulanger est une belle marque d’électroménager, Tartine et Chocolat de vêtements pour enfants,… Apple, Orange ne vendent ni pommes ni marmelade. Et Goodyear n’est pas un fabricant de cartes de vœux !
– que l’usage est un capital essentiel de la marque dont il ne faut pas brouiller les repères,
– qu’un changement de nom ne doit jamais relever du caprice mais impose un fait générateur incontestable,
– que la nouveauté provoquée par le nouveau nom et le nouveau signe doit d’abord s’ancrer dans une nouvelle vision.
Changer de nom pour un parti comme pour une entreprise n’est donc ni simple ni anodin. Dans cette matière comme dans beaucoup d’autres, Coluche était visionnaire. En se moquant du « nouvel Omo », il a, sans le savoir, rendu un grand service en édictant une loi qui s’applique à tous les chefs de parti, rénovateurs : « Jamais de “nouveau” sous le logo ».
Ainsi, quelles que soient les solutions retenues par Nicolas, Manuel et Marine, nous devrions être à l’abri de la « nouvelle UMP », du « nouveau PS » et du « nouveau FN » !
Hervé Morin et son « Nouveau Centre » seraient d’ailleurs bien inspirés de suivre l’exemple récent d’un hebdomadaire qui, en devenant « L’Obs », a décidé de supprimer « nouvel » de son nom. A l’heure des applications digitales, c’est plus court, plus efficace et c’est nouveau !

Par Denis Gancel

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