Quand la France se mue en pays d’entrepreneurs

LES POSTS DES BOSS
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Les Français, et en particulier les jeunes, semblent s’être réconciliés avec l’entrepreneuriat. Mais attention aux obstacles, nombreux sur le chemin de la création d’entreprise.
Un vent nouveau souffle depuis quelque temps sur l’économie française. Un vent d’entrepreneuriat. On ose à peine y croire.

Dans un pays où, il y a encore peu, une majorité de Français rêvait de devenir fonctionnaires, on observe un incroyable élan de création d’entreprises.
Tout parent sait désormais ce que « start-up » veut dire. Leurs enfants trouvent que c’est trop « stylé » de créer sa boîte, et qu’ils ont une « colloc » ou un « poto » qui vient de lever des fonds, et qui s’éclate. Il va donc falloir qu’ils se fassent à l’idée que leur bambin ne fera pas comme papa ou maman, qu’il ne bossera pas dans un bureau (ça, ils détestent) et qu’il ne recherchera pas un bon job dans un grand groupe…

Les raisons de ce nouvel élan

La crise d’abord. « Dont’ take a job, make a job » est le slogan des Anglais qui ont aménagé à marche forcée des « open spaces » dans leurs friches industrielles pour héberger des milliers de Steve Jobs en herbe. MADE, le festival des entrepreneurs vient de se tenir à Sheffield pour la cinquième année. Il est sans doute le symbole le plus vivace du sursaut éco citoyen de nos voisins.
Les motivations des jeunes ensuite. Ils ont souvent été les témoins et victimes de la souffrance de parents débarqués sans ménagement des groupes qui les employaient. Ils ont vu la difficulté extrême de rebondir lorsque l’on est salarié et qu’on a remis son destin dans les mains d’un autre.
Nous avons encore du mal à voir l’échec comme un apprentissage aussi bénéfique que le succès. Nous sommes très en retard par rapport aux Américains sur le sujet. Cependant les jeunes entrepreneurs aident à sortir petit à petit de l’idée passive de vivre « sous la menace » pour s’approcher de celle, plus active, de « prendre un risque ».

Ainsi les écoles supérieures observent une augmentation significative du nombre d’étudiants qui souhaitent entreprendre dès la sortie de l’école. Ainsi, il n’est pas rare de voir des bacs+6, en tablier, derrière la caisse d’une épicerie sans emballage, ou en chaussette, participer aux tests du nouveau modèle de la marque de chaussures qu’ils viennent de lancer.

Gare aux illusions

Cet élan entrepreneurial est réel et enthousiasmant. Il faut le soutenir par tout moyen. Et soutenir les entrepreneurs, c’est aussi partager avec eux quelques vérités éprouvées. Car la révolution digitale porte en elle une double illusion.
La première, l’illusion qui laisse à penser que l’apprentissage en entreprise est devenu obsolète et que seule vaut l’expérience individuelle de celui qui fait tout seul et tout de suite. Il ne faut pas faire croire que l’on peut savoir sans apprendre.
Il faut dire et répéter que la levée de fonds n’est pas un critère de réussite. Qu’il faut éviter le name dropping des investisseurs rencontrés, et le gargarisme des montants levés… Rappelons sans relâche que seules comptent la qualité du produit et du service, la conquête des clients, et la fidélisation des collaborateurs.
La seconde, l’illusion des valorisations mirifiques des licornes et qui renvoie les autres entreprises à une ancienne économie qui ne rapporte rien ou pas grand-chose. Il faut se méfier des survalorisations qui ne reposent sur rien. « Les centaines de start-up qui éclosent sur de micromarchés ont peu d’avenir », prévient à juste titre Matthieu Courtecuisse , le PDG de SIa Partners.
Ceux qui ont vécu les années 2000 se souviennent des introductions en bourse vertigineuses, des courbes de croissance perçant le haut des PowerPoint d’analystes. La bulle a éclaté. Il n’est rien resté.

Attention aux écueils

Avec « Wake Up », l’agence W aide les start-up dans la valorisation de leur marque et de leur capital immatériel. Qu’avons-nous appris de l’édition 2015 dont « Ector » a été le brillant lauréat ?
Que la période de fragilité se situe bien entre la deuxième et quatrième année de création. Passée l’euphorie du démarrage et l’alignement de planètes des bonnes fées, les difficultés surgissent simultanément sur un vaisseau fragile : gestion de la croissance, problème d’organisation, programmation de la marque, gestion des ressources humaines, trésorerie, difficulté entre associés…
Que la capacité à présenter simplement le projet de l’entreprise est un challenge permanent. Combien de projets capillotractés ou d’idées sympathiques sans marché ni véritables clients en vue ?
Malgré les levées de fonds et les multiples pitchs en incubateur, la capacité à présenter un projet et un business model clairement reste capital.
Que la projection d’un imaginaire ancrée au réel est une martingale imparable pour emporter l’adhésion. Rares sont les entrepreneurs qui savent faire l’hélicoptère entre le besoin identifié, l’imaginaire de leur marque et le réel du business plan.
Il fut un temps où l’entrepreneur était regardé comme une bête curieuse. Un être indocile irrécupérable. Ce n’est heureusement plus le cas. Un tiers des jeunes en prépa se voient créateurs d’entreprise, deux tiers souhaitent démarrer leur carrière à l’international et un quart d’entre eux se projettent dans une entreprise à taille humaine, selon une étude d’EDHEC NewGen Talent, publiée cette année.
Une nouvelle génération d’entrepreneurs arrive donc. Elle est beaucoup plus nombreuse que les précédentes. Tant mieux !
Il ne tient qu’à nous et à l’accompagnement que l’on saura lui prodiguer que cette belle génération d’énergie et d’enthousiasme se transforme en levée gagnante pour notre économie.

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