Haro sur le logo

LES POSTS DES BOSS
LES POSTS DES BOSS

Et voilà ! L’identité de la candidature de Paris aux JO de 2024 a été dévoilée. Sitôt révélée, sitôt théâtre d’affrontements fratricides. Le symbole est d’importance et suscite des prises de position. Des points de vue s’opposent, et beaucoup s’entendent tant pour que contre. Ces conversations participent de la vie des réseaux sociaux et éclairent des perceptions personnelles et respectables. Sauf lorsqu’elles relèvent de présupposés et instruisent ses créateurs en sorcellerie.
Aux premières lignes des Torquemada, la corporation des graphistes sachants. Outrés par la proposition, dénoncée comme un véritable sacrilège visuel, ils s’acharnent sur le signe, sur la démarche, sur la Ville de Paris, sur les agences et sur la com. Dans ce jeu de massacre, tout y passe. C’est au bazooka que les arguments sont bombardés en présupposant que la caricature est le meilleur allié des préjugés. Les thuriféraires d’un graphisme de qualité, dont ils estiment être les seuls représentants, imposent leur dogme, leur jugement et, du haut de leurs certitudes , arbitrent les élégances:
“Un logo qui colle aux (dé)goûts dominants de l’époque…”
“… du sens qui plaira à tous : pseudo dynamisme, symbolique des couleurs, image cliché, chiffres incorporés”
“Grosse agence, grosses ficelles, gros clichés”
“Un truc esthétisant… un boulot d’agence, une recette graphique… un paquet de fric…”
“Laideur absolue”
“C’est plat et creux”
Les rares avocats qui lui trouvent quelque grâce auront “pété un câble” où seront les alliés objectifs le l’indigence corporate et des puissances de l’argent… Excommuniés…
La pensée critique est ici une pensée unique, automatique et sempiternelle. Il y a manifestement une sorte de jubilation à s’en prendre aux plus puissants. David fait la leçon à Goliath, certain de se mettre dans la poche ceux qui font passer l’idéologie avant l’analyse.
Entendons-nous. Faut-il placer cette création dans le Panthéon du graphisme mondial ? Sans doute non, mais pas sûr que ce soit l’objet. Est-ce ce que c’est mon goût? Non plus, ce n’est pas ce que j’aime. Je vénère l’ascétisme de Peter Zumthor, la rectitude de ses lignes, son écriture monacale et transcendante, la rudesse sensuelle de ses matériaux… Alors bien sûr, on en est assez loin. Mais cela n’engage que moi.
Car il y a dans ce signe efficace, puissant, direct les qualités requises pour l’exercice si complexe de parler à tous. Il y a une idée lisible dans cette marque. Mon Dieu, une idée c’est suspect, c’est forcément un truc, un sale tour de la pub… Pour peu qu’on la comprenne… Plaire à tous, quelle horreur !!!
Un peu agacés d’assister au match sur le banc, les uns travestissent sa simplicité, son accessibilité en simplisme de l’évocation. La ficelle rhétorique du discrédit est énorme.
Les autres, peu habités par le doute, semblent avoir LA solution dans leurs cartons. Ils sauraient, eux, à lire entre leurs lignes, parfaitement répondre à cette question, réaliser la synthèse parfaite du grand public, de l’ambition conceptuelle universelle, du rayonnement culturel et de l’excellence formelle. Ils sauraient obtenir l’adhésion de toutes les parties prenantes, et par dessus le marché, celle des graphistes qui n’ont pas eu la chance d’y travailler…
Moi, je dis chapeau ! Ils sont aussi sans doute sélectionneurs de l’équipe de France de football. C’est dommage qu’ils n’aient pas tenté leur chance. Mais au fond, ils s’en fichent tant ils traitent avec mépris ce “paquet de fric”, sans en connaître le montant, qui, au passage, paye les salaires de leurs confrères graphistes, issus des mêmes écoles, qu’ils tiennent pour bien peu de chose : “Les graphistes ne sont pas en cause. Des administrateurs-décideurs sans culture avec l’aide des commerciaux de boites de com choisissent le kitsch, et pas seulement en matière de logo…” déclare l’un d’entre eux. Mais quelle idée se font-ils du monde des agences dont ils ignorent tout ? Quel mépris d’imaginer que les designers qui y travaillent sont soumis aux diktats de “commerciaux” vils et acculturés !!! Combien sont-ils, ceux qui donnent des leçons, à avoir accompli de grandes choses qui justifieraient une telle assurance ?
Tout cela manque sérieusement de mesure, d’argument, d’analyse et de compréhension des enjeux. L’expérimentation graphique est-elle le véritable objet de cette consultation ? Quelle est la fonction d’une telle identité ? La radicalité est-elle ici opportune ? Qui en la matière est le meilleur juge ? Enfin et surtout, si nous parlions d’une seule voix pour porter cette candidature ? Si nous donnions de nous même une image joyeuse, bigarée, aimable – comme cette identité nous y engage -, l’image que l’on aime de Paris, celle dont on rêve pour 2024 !

Voir aussi