Laissons tomber le «made in France»

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Comme l’illustre le cas Alstom, le « made in France » appartient au passé. Occupons-nous plutôt de fédérer nos meilleurs groupes autour de l’excellence à la française.

La présidentielle approche et, comme en 2012, le « made in France » revient sur le devant de la scène. L’affaire Alstom est symbolique du malentendu du concept de « made in France ». Personne ne veut la mise au chômage de 400 salariés à Belfort, au savoir-faire reconnu. Mais à sauver tous les fabricants de locomotives du pays, on va finir par rater le train de la modernisation du pays.

Promouvoir le « made in France » est sympathique mais appartient à une logique du passé. Le consommateur ne reviendra pas en arrière dans le rôle d’arbitre que son téléphone portable lui a donné. Les politiques n’ont pas compris que le centre de gravité s’était définitivement déplacé du côté de la demande, de la comparaison et de la prescription entre consommateurs. Ces derniers assimilent le made in France à des produits chers qu’ils seraient prêts à acheter avec un supplément prix qui ne dépasse pas 10 %. Le made in France peut peser lourd politiquement tous les quatre ans, mais il est mort-né économiquement.

Corriger les archétypes

Dans un monde ouvert et hyper-concurrentiel, ce n’est pas en défense qu’il faut jouer mais en attaque en créant enfin une véritable marque France attendue et plébiscitée par plus de 90 % des Français.
Le concept de marque France est beaucoup plus juste que celui de made in France. Il serait une interprétation « à la française » du « nation branding » permettant de fédérer tous les acteurs de l’excellence française, de corriger les archétypes d’une France trop perçue spécialisée dans la culture, la nourriture, la mode et le luxe, et enfin et surtout de porter à l’extérieur le génie du pays.

Une belle opportunité nous est donnée par la tournure que prend la mondialisation. Alors que les Américains l’avaient pensée globale et uniforme, le consommateur la veut multiple et diversifiée. L’explosion des marques locales issues des pays émergents pour devenir globales est la véritable nouveauté de l’économie mondiale. Lenovo, Alibaba, Huawei, Jollibee, Corona, Hyundai, Telcel, Geely, Dongfeng, Tata, etc. donnent un coup de vieux au cas Apple enseigné en boucle dans les écoles de commerce. Ces marques montrent que l’ancrage dans une culture, dans un terroir de savoir-faire, est un avantage compétitif décisif pour conquérir le monde.

Plutôt que de se refermer sur un made in France trompeur, espérons que le prochain président de la République mettra dans ses priorités la valorisation d’une marque France puissante, fédératrice, créative, et appropriable par tous.

Article de Denis Gancel paru dans Les Échos

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