Ojos sobre lo invisible « Un regard sur l’invisible »

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Revista Cambio, célèbre généraliste Mexicain interroge l’agence sur les campagnes menées pour la Fédération Nationale Solidarité Femmes. Un article sur les violences faites aux femmes, ou comment la publicité intervient dans la sensibilisation grand public ? Renan Cottrel (concepteur rédacteur) et Arnaud Wacker (directeur artistique), qui ont conçu ces campagnes répondent :

Suivez-vous le même planning et les mêmes méthodes de conception pour toutes les campagnes, qu’importe le degré de sensibilité du sujet ? Ou au contraire, certains paramètres sont à prendre en compte ?

Chaque sujet est différent donc nous n’abordons pas les campagnes de la même manière bien sûr. Pour la FNSF par exemple, c’est parti d’un pro-actif. L’agence souhaitait s’engager pour une cause, les violences domestiques étaient un sujet d’actualité qui nous a mobilisé à ce moment. Nous avons donc réalisé la campagne entièrement (films et campagne print) avant de la proposer à Françoise Brié, porte-parole de la Fédération Nationale Solidarité Femme qui a décidé de la diffuser en l’état.

Est-ce que l’agence avait déjà travaillé sur des campagnes de sensibilisation aux abus/violences domestiques avant 2011 ? Est-ce que l’agence travaille gratuitement pour la FNSF ?

L’agence n’avait jamais travaillé sur ce genre de sujets et oui, nous travaillons gratuitement, l’association participe à certains frais de production mais nous ne prenons aucun honoraire.

Avez-vous fait des recherches pour aborder la campagne ?

Il y a eu un mixe entre nos recherches, notre sensibilité et des expériences personnelles. Nous avons lu le livre de témoignages et des rapports d’Amnesty International pour nourrir nos messages de chiffres et de faits très concrets.

Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur votre façon de travailler ensemble sur la FNSF, et quelles pistes créatives et approches vous envisagiez ?

Pour la première campagne nous avons donc travaillé sans brief, l’idée était de frapper les esprits avec un message fort, qui aurait été un cri de guerre adapté à toute association mobilisée sur ce sujet : « Se taire c’est participer ».
Par la suite, nous avons travaillé avec des briefs, d’abord les 20 ans, qui constituaient une actualité pour l’association et qui a donné une orientation à notre campagne, avec le film : « Le souffle », nous pouvions raconter 20 ans de combats. Nos premières campagnes ont aidé l’association à gagner en notoriété, nous avons ensuite travaillé des messages « call to action » en introduisant par exemple le numéro de téléphone dans nos dernières campagnes.

J’ai vu des images des campagnes 2015 et 2016 et je suppose que nous pourrions les décrire comme étant très brutes, montrant au public ce qui se passe derrière les portes dans ces horribles scénarios. Pourquoi avez-vous choisi cette approche très directe ?

Pour la première campagne, le film abordait en effet une violence directe qui permettait d’interpeller le spectateur. Le message de fin : « Se taire c’est participer » traduisait l’importance de l’entourage des victimes dans la dénonciation. Nous voulions que les spectateurs se rendent compte de cette réalité : « en France 1 femme sur 3 meurt des violences domestiques chaque année ». Ensuite nous nous sommes orienté sur une direction artistique plus suggestive. Nous avons choisi de travailler la scénarisation, chaque scène pensée comme une pièces de théâtre. Nous avons volontairement décidé de ne pas mettre en lumière un environnement ou un contexte de façon à évincer immédiatement le jugement psychologique ou sociétal du public envers la femme représentée. Car la réalité c’est qu’il n’y a pas de profil type, les femmes battues viennent de tous horizons, de toute CSP et sont représentées dans tous les milieux, les campagnes doivent impérativement parler à toutes ces femmes.

A qui s’adressait spécialement cette campagne et sur quel type de média a-t-elle été diffusée ?

A tout le monde ! Homme ou femme. La campagne a été diffusé largement sur des médias généralistes avec comme objectif principal, celui d’informer.

Avez-vous eu les retours sur les performances de la campagne ? Est-ce que la FNSD a rempli ses objectifs ?

Nous n’avons pas eu de retours chiffrés, en revanche nous savons que nos premières campagnes ont permis à l’association d’émerger, que cette notoriété lui a donné la légitimité de revendiquer 20 ans de combats et qu’après, les campagnes de « call to action » ont suscité un passage à l’acte chez les victimes qui ont été plus nombreuses à appeler le numéro d’urgence. C’est un premier objectif atteint.

A quel point la publicité peut être un outil puissant dans la dénonciation de situations telles que les violences domestiques ?

Les violences domestiques sont un « sujet marronnier » et nos campagnes sont un outil pour la présidente de l’association qui, dans les périodes de médiatisation, peut intervenir et rebondir avec un message fort, mis en image. De telles campagnes s’accompagnent de la puissance des médias qui à ces moments-là la diffusent les messages des associations et portent leurs micros à cette cause.
Il y a une distance obligatoire à observer pour ne pas dénoncer le bourreau, mais proposer une solution aux femmes. Le message publicitaire n’a pas vocation à remplacer le jugement de la Justice. Notre rôle est d’informer, pas de dénoncer. On sait que le message porté en puissance par les médias permet de mettre le sujet au cœur du débat public, on parle davantage de ces violences. Nous n’agissons pas sur l’impact en revanche on espère participer à la prise de conscience collective et notre campagne devient un outil fort pour l’association qui dispose alors d’un support de communication qui se relaie et permet au message de s’amplifier.

Retrouvez l’article de Revista Cambio ici.

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