La République désintermédiée

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Depuis près d’une décennie, tous les secteurs de l’économie font face à un raz-de-marée de désintermédiation. En ne voulant y voir qu’une conséquence de la révolution digitale, on est passé à côté de l’essentiel : la prise de pouvoir du client final sur toutes les marques.

Le digital a mis à disposition du consommateur une formidable machine à choisir, à prescrire ou à nuire. Mais le plus spectaculaire, c’est que se servant tous les jours de ces nouvelles fonctionnalités, le client a pris l’habitude d’arbitrer et de faire ses choix directement sans l’intervention d’aucune autorité pour le conseiller. Les seules recommandations tolérées provenant de ceux ayant vécu une expérience préalable et comparable.

Ce serait une erreur de croire que la demande de démocratie directe, de référendum d’initiative citoyenne (RIC) date de la crise des gilets jaunes. Elle puise sa source bien plus loin, dans la désintermédiation foudroyante et généralisée qui frappe maintenant la République.

Il ne faut donc pas s’étonner que le consommateur, qui a pris l’habitude de se débrouiller tout seul dans ses comportements de la vie quotidienne, fasse de même lorsqu’il s’agit des affaires de la cité. Ainsi, quand il mesure, évalue et fait le constat que ça ne marche pas, il n’attend plus les prochaines élections. Il clique et partage sa colère avec la foule de ses amis sur Facebook.

On a le désagréable sentiment que les lois de décentralisation et autres réformes territoriales n’ont servi à rien ! Pourtant, depuis 1983 (date de la première décentralisation), l’État n’a eu de cesse d’abandonner du pouvoir et des compétences pour rapprocher les élus des citoyens. Plus de trente ans plus tard, la France a multiplié les assemblées en tout genre : conseils municipaux, départementaux, régionaux, conseils économiques et sociaux, chambres de commerce, branches professionnelles. Ce mille-feuille coûteux fait de nous les champions du monde des corps intermédiaires toutes catégories ! En passe d’être marginalisés et décrédibilisés, ces derniers vont devoir se transformer en profondeur et opérer une remise en cause d’une ampleur comparable à celle conduite par les entreprises désintermédiées.

Les nouveaux comportements des consommateurs d’aujourd’hui doivent inspirer ceux du citoyen de demain. Dans le vaste débat qui s’engage, rien ne serait pire qu’un RIC, hochet donné en pâture aux « gens » (mot trop souvent utilisé par les ministres pendant la crise) ! Il est vital que l’expérience utilisateur (UX) de la consultation citoyenne qui s’annonce soit au meilleur standard des plateformes digitales ! On pourra alors espérer que le consommateur et le citoyen ne fassent plus qu’un. Un consocitoyen cliquant utile et du même doigt, adressant ses plaintes après usage, partageant ses avis, et ressortant de ce dialogue satisfait sans jamais avoir l’idée de se faire rembourser !

Une tribune de Denis Gancel

Enseignant à Sciences Po Paris – Président Fondateur de W

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